Burundi
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La laïcité ensevelie

« Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maître ! », dixit Léonard de Vinci. L’« héritier » du « Guide suprême du patriotisme » a retenu la leçon.

« Conscients de nos responsabilités devant Dieu ;
Compte tenu du message de son Excellence monsieur le président de la République adressé aux responsables des institutions pendant la prière nationale (National Prayer Breakfast) du 1er mars 2023, qu’une prière matinale doit être instaurée dans tous les services de l’Etat ;
Il est porté à la connaissance de tout le personnel de la Présidence, de la Vice-présidence et de la Primature qu’il est organisé une prière commune chaque matin avant le début du travail, de 7 h 30 à 8 h, dans la salle des réunions n° 250 à partir du mardi 07/03/2023. […] », lit-on dans le communiqué du 6 mars signé par le chef de cabinet civil du président de la République.

Ainsi est porté le coup de grâce au principe de laïcité gravé dans le marbre. « Le Burundi est une République indépendante, souveraine, laïque, démocratique, unitaire et respectant sa diversité ethnique et religieuse », dispose la Constitution du 7 juin 2018 en son article 1er.

Pénuries récurrentes de carburant, corruption endémique, dépréciation du BIF, inflation alimentaire, capacité d’absorption limitée des fonds des partenaires techniques et financiers, les compétences faisant toujours défaut, etc.

Le gouvernement goûte peu l’érotisme des problèmes, ces réjouissances intellectuelles à débroussailler le nœud du problème pour trouver des solutions structurelles pérennes.

En réponse à ces fardeaux de la mal-gouvernance, le chef de l’Exécutif dégaîne la prière rentable pour irriguer les artères de l’administration burundaise avec l’idée que le pays s’achemine vers un avenir toujours plus radieux. Le président Ndayishimiye parachève la « Nkurunzization des esprits » encapsulée dans cette célèbre formule : « Travaillons en priant ; prions en travaillant. »

Le « péché originel » du Cndd-Fdd est l’intrusion du religieux dans la gestion des affaires publiques. La dérive idéologique commence quand le dogmatisme religieux inspire l’action gouvernementale. Jeudi 19 janvier, lors de la première journée de la prière interconfessionnelle d’action de grâce de trois jours, organisée par le Cndd-Fdd, le chef de l’Etat a rappelé que le Burundi est à l’étape de la reconstruction du pays et que cette étape est l’œuvre de Dieu. « Quiconque tentera de perturber cette dynamique de reconstruction sera écarté par Dieu », a-t-il averti.

Seule la « légitimité divine » est opérante pour le système Cndd-Fdd, la responsabilité et son corollaire, la redevabilité, étant des attributs de l’« Ancien Monde » des oppositions idéologiques. Le sacré est en haut, le peuple, détenteur du pouvoir, est en bas.

Quand le pouvoir tire sa légitimité d’en haut, la liberté politique passe à la trappe. Il appartient dès lors au parti politique « qui a mis Dieu en avant » de conduire le peuple burundais.

On est plus en démocratie, mais en théocratie avec la foi chrétienne comme centre de gravité. La délibération démocratique comme antidote à la sclérose politique par la circulation de nouvelles idées n’a plus de raison d’être.

La vanité burundaise consiste à se reprocher les fautes du passé mais à fermer les yeux sur la faute décisive du présent : la paresse de pensée.