Burundi
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Immixtion inacceptable

« Indépendance de la justice », « séparation des pouvoirs », tels sont les grands mots inlassablement répétés par les professionnels du droit après l’intervention du ministre de l’Intérieur lors de la réunion du 25 septembre. En vue de juguler la fraude, les malversations économiques, la corruption, il a invité les juges à procéder au procès de flagrance en cas de délits. « Selon le Code pénal, la fraude est classée dans la déstabilisation de l’économie nationale… L’auteur de l’infraction et ses complices doivent être traduits devant la Justice dans un procès de flagrance. Il ne faut plus les condamner à des peines minima en leur infligeant de simples amendes ».

Les professionnels du droit ont qualifié les propos du ministre d’immixtion, d’ingérence de l’Exécutif dans le fonctionnement de la Justice. « Il n’appartient à quiconque, fût-ce le ministre de la Justice ou celui ayant l’Intérieur, d’instruire aux juges la manière dont ils interprètent et appliquent la loi », estime un juriste. Pour lui, la flagrance est régie par la loi, en l’occurrence le Code des procédures pénales. Une autre estime que la politique pénale ne consiste pas à donner aux magistrats des instructions à appliquer à une peine. « Le magistrat applique la loi qu’il n’a pas élaborée. Il doit le faire en toute indépendance ».

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Depuis des années, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l’immixtion de l’exécutif dans le rôle de la justice burundaise et qui la rend inefficace. Quand on dénonce les défaillances, les abus qui s’observent au sein du secteur judiciaire, les praticiens du droit évoquent l’ingérence de l’Exécutif et de l’administration qui veulent imposer à un juge ou à un président du tribunal le sens dans lequel un jugement doit être rendu.

Un juge m’a rappelé le cas d’un gouverneur qui, en juillet 2021, a recommandé aux chefs de juridiction du ressort administratif de sa province de se présenter à son cabinet une fois le mois pour une délibération conjointe « afin de donner suite aux plaintes reçues au sein du cabinet liées aux jugements mal rendus et à la mauvaise exécution des sentences. » On dénonce aussi l’appartenance politique qui prime lors des nominations des magistrats aux hautes fonctions comme à la Cour Suprême, à la Cour anti-corruption.

Toutefois, ils devraient eux aussi faire une introspection, un esprit critique dans l’exercice de leur métier. La population se plaint, en effet, des magistrats qui abusent de leur pouvoir pour faire traîner un procès par des reports ou des audiences interminables. « L’éternité est plus courte si on la compare au processus judiciaire burundais », dixit un fidèle lecteur d’Iwacu.

C’est simple, mais difficile : l’Institution judiciaire ne devrait recevoir aucune injonction, ni directe ni indirecte. « Que la justice soit rendue non pas au nom d’un régime, d’un groupe d’individus, d’un responsable politique déterminé, mais pour le compte de la population », dixit Me Prosper Niyoyankana. Bref, on demande à l’Exécutif de ne pas s’immiscer dans l’interprétation et l’exécution des lois et des procès.