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Digitaliser les services bancaires demande du temps

Après la suspension par la banque centrale des mesures provisoires fixant les plafonds de retraits et des versements, le 18 juin, les banques commerciales et les institutions de microfinances limitent les retraits des sommes en liquide et préconisent les ordres de virements et autres transferts. Les clients ne sont pas contents. Pour eux, ces changements sont, certes, nécessaires mais demandent du temps.

Le répit n’aura été que de courte durée. La mesure de plafonnement des retraits à peine levée par la banque centrale, le 18 juin, banques, institutions de microfinance sont retombées dans leurs « travers ». Dorénavant, la BRB veut limiter les retraits par chèques et favoriser les transferts. Mais d’après plusieurs témoignages recueillis par Iwacu, toutes les institutions bancaires seraient confrontées à ce défi : servir à leur guise leurs clients désirant retirer de l’argent. Seul aspect positif, ironise André, un commerçant rencontré à la Bancobu : « Elles ne tournent pas en rond pour te dire que la banque est dans l’incapacité de te servir le chèque de 5 millions de BIF. La banque vous dit qu’elle n’est en mesure que de vous donner 1 million de BIF ». 

En effet, à peine deux jours après la levée de la mesure par la banque centrale, D.R, un agent de la Bancobu, reconnaît ces désagréments. « S’il arrive qu’une banque telle que la Bancobu avec le volume de ses transactions vienne à manquer des liquidités pour servir ses clients, il y a de quoi à être inquiet. »

Il raconte qu’un de leur gros client est venu retirer 80 millions BIF et s’est vu signifier qu’il n’aura seulement que 30 millions.

« Après un léger moment de panique. Furieux, le client a menacé le guichetier de clôturer son compte si la situation perdure. »

La direction lui a demandé s’il pouvait procéder par ordre de virement bancaire (OV).

Une offre gentiment refusée par le client. Notre source indique que le commerçant en question leur a signifié qu’il désirait s’acquitter « des arriérés impayés à ses maçons, lesquels malheureusement n’ont pas de compte bancaire pour le virement. « 
Les institutions de microfinance (IMF), deviennent des victimes indirectes suite à la réglementation bancaire exigeant qu’elles doivent s’approvisionner en liquidités auprès des banques commerciales partenaires abritant leurs comptes.

« Une embûche énorme à nos activités », regrette L.D, responsable des opérations au sein d’une IMF. Suite à la réglementation de la banque centrale exigeant qu’elles   s’approvisionnent en argent liquide auprès des banques commerciales hébergeant leurs comptes, depuis quelques jours, il explique que les responsables de ces banques commerciales ne priorisent que leurs clients au détriment des IMF. Comme conséquence, indique-t-il, les IMF sont également à leur tour dans l’obligation de limiter les retraits en espèces. Histoire de bien gérer les quelques liquidités en leur possession, glanées ici et là dans différentes banques commerciales.

A défaut, des OV

La décision de la BRB qui permet à toute personne physique de ne retirer qu’un maximum de 300.000 BIF étant tombé comme couperet, certains commerçant(e)s ont été contraints de retarder leurs commandes ou encaissé un retard pour régler leurs factures impayées auprès de leurs fournisseurs, préférant ainsi attendre sa levée. Hélas, des espoirs vite douchés par l’actuelle situation. Martin figure parmi ces victimes.

Grossiste vendant du charbon de bois, voilà qu’une semaine vient de s’écouler tout en cherchant comment rassembler les 60 millions de BIF pour rembourser ses fournisseurs, en vain. « Ma banque me dit de faire un virement bancaire. Mais combien parmi les paysans de Nyabiraba possèdent un compte bancaire pour que j’arrive à les payer ? » Un sacré challenge pour cet entrepreneur. Au risque d’être fiché comme insolvable par ses fournisseurs, il indique avoir décidé de leur ouvrir un compte bancaire au sein de la Coopec. D’après lui, une bonne option plutôt que d’ouvrir un compte Lumicash, dont les frais de transfert ne cessent d’augmenter.

Même cas de figure pour Mariko. Ce commerçant du petit bétail natif de Gishubi, en province Gitega, ne nie pas qu’il commence à perdre confiance dans les institutions bancaires. « Pour quel intérêt garder son argent gagné correctement dans les banques tout en sachant que tu ne peux y accéder si la banque ne le permet pas ? » 

Une situation dépitant pour ce businessman aux allures d’un simple « paysan » mais qui, brasse des dizaines de millions de BIF au quotidien.  Il dit qu’il est dans l’incapacité de collecter les 15 millions de BIF qu’il doit à certains de ses fournisseurs.

« Évidemment que tout serait facile si chacun d’eux avait un compte bancaire dans une IMF ou un téléphone pour ouvrir un compte Ecocash ou Lumicash ». 

Le commerçant de campagne estime que « la BRB peut vouloir utiliser tout stratagème pour contraindre la population à privilégier les ordres de virement et les transferts via mobile money. « Mais, elle doit savoir qu’il y a des activités ou business qui demandent au commerçant d’avoir de l’argent liquide sur lui. »

A la recherche des « remèdes miracles »

Les grossistes vendant du charbon de bois figurent parmi les commerçants touchés par cette limitation de retrait de l’argent liquide

Avec les récents désagréments, banques et IMF ont compris le besoin de moderniser leurs services digitaux, du moins pour ceux qui en ont déjà. Ceux qui n’en ont pas, essaient de rattraper le retard. Une course contre la montre qui n’est pas exempte de dangers. Car, nombreuses sont les IMF qui aimeraient migrer à la va-vite vers des applications qui n’ont pas encore fait leurs preuves.

Un grand risque, prévient A.M., un expert en finances digitales, lorsque l’on sait le préjudice financier que peut entraîner une seule faille. Quand bien même elle est importante la digitalisation des services bancaires, cet expert conseille d’aller progressivement : « La BRB ne peut pas se réveiller un matin, et contraindre la population à opérer toutes leurs opérations bancaires par voie de transfert. En amont, il doit y avoir des préalables, notamment le coût de rénovation (développement de nouveaux logiciels/applications sécurisés, formation du personnel, conscientisation de la population sur le bien-fondé d’avoir un compte bancaire, etc. ». Selon lui, des préalables qui nécessitent un coût financier énorme pour ces institutions bancaires, surtout que ce n’était pas prévu dans leur budget de fonctionnement. Et puis, il n’y a pas de législation obligeant le citoyen à placer son argent dans les institutions bancaires.

Autre frein, à cette propension à digitaliser les services bancaires, le montant élevé sur les transactions de chaque transfert via mobile money. « Un vrai casse-tête lorsque l’on y pense, surtout que la loi budgétaire, exercice 2023-2024, prévoit de hausser les taxes sur des compagnies de télécommunications », fait remarquer D.D, responsable d’une microfinance.

Seule bonne nouvelle : malgré les désagréments causés par le manque de liquidités, les responsables des institutions bancaires contactés gardent confiance en la BRB. « Certes, nos clients peuvent penser que la quantité de nouveaux billets de 5000 et 10.000 BIF émise par la banque centrale n’est pas suffisante. Mais, la cause est ailleurs. Je pense qu’il faudrait chercher dans sa volonté de tracer toute opération bancaire », tranquillise un chef d’une agence de la BGF.  Contactée, la BRB a promis de réagir ultérieurement.