Gabon
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Le PDG face à la xénophobie : Les ravages d’une pratique politique

Au lieu de jouer les vierges effarouchées, le Parti démocratique gabonais (PDG) doit décortiquer sa doctrine pour en mesurer la portée et en évaluer les ravages.

Au pouvoir depuis 1967, le PDG a façonné la société et le citoyen. Il a toujours placé l’origine avant la République. Un Gabonais n’est pas chez lui partout sur le territoire national. Or, la lutte contre la xénophobie est d’abord une lutte contre l’exclusion et la discrimination. © Gabonreview

Même s’il s’en défendra, le Parti démocratique gabonais (PDG) a contribué à formater l’opinion. Depuis quelques semaines, sa doxa est reprise çà et là, donnant lieu à de curieux amalgames. Conformément au discours en vigueur depuis toujours, certains établissent le distinguo entre «Gabonais d’origine» et «Gabonais d’adoption». Dans le droit fil d’une méthode dénommée «géopolitique», d’autres exigent des postes pour les «Gabonais de souche». Si personne ne parle de leur répartition par province, département, groupe ethnique ou famille, il s’en trouve pour suggérer la sanctuarisation de certaines fonctions. Pendant ce temps, l’ex-parti unique joue les observateurs inquiets, invitant les populations à «taire les divisions» pour «faire progresser notre pays». Selon son porte-parole, «la haine, le ressentiment, n’ont jamais fait partie de notre vocabulaire politique». D’où sa mise en garde contre «l’imposture» et «la manipulation».

Volonté de se dédouaner

De la part du parti au pouvoir, cette prise de position traduit une volonté de se dédouaner à peu de frais. Ayant toujours privilégié l’appartenance provinciale, ethnique ou tribale dans la cooptation des élites, le PDG fait comme s’il n’a jamais érigé l’origine en critère de sélection. Ayant réservé des fonctions à certaines provinces ou ethnies, il se comporte comme s’il n’a pas favorisé l’émergence du réflexe communautaire au sein de l’administration, conduisant les agents publics à tenir compte de l’ethnie tout au long de leurs carrières. De ce point de vue, la sortie de David Ella Mintsa ne peut ni l’absoudre ni transférer la paternité de ce climat délétère sur les populations. Relevant de la fuite en avant, elle peut lui donner bonne conscience. Mais elle ne peut lui valoir absolution. Après tout, des notions comme «cadre ou ministre de tel département», «populations flottantes», appartiennent à sa novlangue. En en faisant usage, le parti cher à Ali Bongo place l’origine avant la République. Pis, il dit une chose effrayante, contraire à l’idéal national : un Gabonais n’est pas chez lui partout sur le territoire national.

A l’orée de la pré-campagne présidentielle, le PDG doit décortiquer sa doctrine pour en évaluer les ravages. Au lieu de jouer les vierges effarouchées, il doit analyser sa pratique politique pour en confronter les évolutions aux valeurs de la République et les invariants aux principes démocratiques. Affirme-t-il avoir renoncé au primat de la «géopolitique» depuis 2009 ? De nombreuses administrations n’en restent pas moins des citadelles imprenables, des donjons confiés à des personnalités en fonction de leurs origines. Se croit-il davantage ouvert à des personnalités venues de partout ? De nombreux compatriotes n’en demeurent pas moins marginalisés, victimes d’ostracisme en raison de leurs opinions. Pis, certains promus affichent des parcours parsemés d’épisodes rocambolesques et peu élogieux. Parfois, le grand public les découvre à la faveur de leur promotion. Or, dans un pays d’à peine 2 millions d’habitants, personne ne devrait arriver au sommet de la hiérarchie en étant un parfait anonyme.

Méthodes héritées d’Omar Bongo Ondimba

Ces rappels montrent combien le climat actuel est intimement lié à la gouvernance. Contrairement à une idée simpliste, la pratique politique du PDG reste marquée par les méthodes du passé, héritées d’Omar Bongo Ondimba. Au lieu de faire l’autruche, le PDG doit l’admettre : au pouvoir depuis 1967, il a façonné la société et le citoyen. S’il respectait la séparation des pouvoirs et la règle de droit, personne ne remettrait en cause la régularité des processus d’acquisition de la nationalité. S’il était attaché à la reddition des comptes, nul ne douterait de la pertinence de ses choix. S’il était plus ouvert, pas grand monde ne se sentirait frustré, tenu à l’écart des affaires publiques. S’il évoluait dans la transparence, les fake news, «l’imposture et la manipulation» n’auraient aucune chance de prospérer. Par conséquent, le débat aurait été un peu moins passionné, beaucoup mieux argumenté et empreint de sérénité.

Cet appel à l’introspection ne doit pas être compris comme un soutien à toutes les outrances, à tous les dérapages. Dans cette ambiance suffocante, il ne faut étouffer personne. S’il faut laisser chacun s’exprimer, il faut attirer l’attention sur les rôles et responsabilités des parties. Demander au PDG de faire son examen de conscience c’est l’inviter à rechercher les causes, réelles et pas imaginaires, du climat actuel. La lutte contre la xénophobie est d’abord une lutte contre l’exclusion et la discrimination. Elle ne peut avoir de sens quand l’affiliation politique et religieuse ou l’origine ethnique et provinciale l’emportent sur l’instruction et la compétence. Elle ne peut être soutenue quand les liens de sang, alliances matrimoniales et amitiés guident le choix des hommes. A chacun de s’en souvenir.