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Visite du roi Philippe en RDC: un déplacement historique dans un contexte de réchauffement

Texte par : Nadia Ben Mahfoudh

4 mn

C’est une première historique. Le monarque belge, le roi Philippe, est en visite officielle en République démocratique du Congo à compter de ce mardi 7 juin. Ce déplacement a été reporté à plusieurs reprises, notamment en raison de la pandémie, mais cette fois, accompagné de la reine Mathilde et du Premier ministre, Alexander De Croo, le roi Philippe se rend en RDC pour six jours. Il débute aujourd’hui par la capitale Kinshasa puis Lubumbashi et Bukavu.

C’est un déplacement historique et symbolique qui débute aujourd’hui. Couronné en 2013, le monarque ne s’était encore jamais rendu dans l’ancienne colonie belge, devenue indépendante l’année de sa naissance, une indépendance prononcée par son oncle. « Le Congo accède, ce 30 juin 1960, à l’indépendance et à la souveraineté internationale », avait alors déclaré le roi Baudoin.

62 ans plus tard, le voyage du roi Philippe s’adressera mercredi au Parlement congolais. Un discours très attendu : Congolais et Belges veulent savoir si le roi gardera la ligne qu’il avait adopté à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du Congo en juin 2020. Fait inédit, il avait présenté pour la première fois « ses plus profonds regrets pour les blessures » infligées lors de la période coloniale, dans une lettre adressée au président Felix Tshisekedi.

« Il faut qu’on en arrive à une relation adulte »

Pour Kalvin Soiresse, député du Parlement de la Communauté française en Belgique, « il faut qu’on en arrive à une relation adulte entre les deux pays. Comme le premier ministre Patrice Lumumba le disait, deux pays, d’égal à égal, qui assument l’histoire commune qu’ils ont mais qui se dégage de tous les méfaits qui ont été commis, à travers ce travail de mémoire qui est fondamental, aussi bien pour le Congo que pour la Belgique ». 

Ces évolutions sont le fruit de plusieurs éléments. Depuis plusieurs années, les Nations Unies demandent à la Belgique d’éclaircir son histoire coloniale, mais il a fallu attendre que le mouvement Black Lives Matter, parti des États-Unis, s'étende en Belgique pour que le parlement mette en place une Commission spéciale sur le passé colonial en 2020. Un premier rapport a été rendu l’automne dernier. Les dix experts qui l’ont rédigé parlent d’une occupation raciste, d’ « une cruelle histoire d’extractions des ressources », de travail forcé, de vie sous contrainte et sous surveillance policière. Il y a aussi une dimension très humaine.

Felix Tshisekedi a vécu pendant plusieurs années en Belgique, y a construit une partie de sa vie, ses enfants y sont nés. Alors « on a assisté à un réchauffement des relations », explique Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l'université de Liège. Comme Félix Tshisekedi a effectué plusieurs visites officielles en Belgique, « il va de soi que le roi puisse lui rendre la monnaie de la pièce, c'est-à-dire effectuer aussi une visite officielle en RDC. Cette proximité, ajoute le chercheur, a joué un rôle essentiel pour l'amélioration des relations diplomatiques entre les deux pays. »

Faire face au passé

Depuis un an, la Belgique a ouvert le dossier de la restitution des biens. Le gouvernement a même remis l’inventaire des 84 000 pièces acquises durant la colonisation. Le roi Philippe devrait d’ailleurs rendre une première œuvre lors de cette visite, alors que la restitution de la relique de Patrice Lumumba, héros de l’indépendance congolaise et Premier ministre du Congo indépendant assassiné en 1961, doit avoir lieu le 20 juin prochain.

Une fois les gestes officiels actés, le politologue et chercheur congolais, Jean Omasombo estime que c’est l’opinion belge qu’il faut encore travailler, car « c’est comme s’il y avait une différence entre la Belgique officielle et la Belgique réelle. La Belgique réelle on le sait bien, elle est divisée. Ici, il y a les Wallons, il y a les Flamands, il y a les Bruxellois et on sent qu’au niveau central de l’État il y a un flottement et on ne parle pas le même langage. Cette opinion belge, à qui on a dit qu’on a fait de bonnes choses au Congo doit être préparée à accepter le changement ».

En attendant le changement de mentalité populaire, cette visite officielle à la mémoire apaisée est l'occasion de renforcer les liens économiques et commerciaux entre les deux pays. Le roi est accompagné d'une délégation d'entrepreneurs belges, prêts à faire du Congo un partenaire privilégié de la Belgique.

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