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Tunisie: l’affaire Lotfi Abdelli, révélateur des tensions entre sécuritaires et citoyens

L’humoriste Lotfi Abdelli a déclaré qu’il allait finalement reprendre sa tournée estivale et qu’il renonçait à quitter le pays, comme il l’avait annoncé sous le coup de la colère après que son spectacle du 7 août a été interrompu par des agents de police. Mais l’affaire a révélé une problématique plus profonde, celle de l’intervention des syndicats de police dans les affaires culturelles et sociétales. Le ministère de l’Intérieur et la Présidence de la République ont dû tempérer la polémique.

En Tunisie, selon un décret-loi datant de 2011, les forces de police peuvent créer des syndicats, mais n’ont pas le droit de faire grève, rapporte notre correspondante à Tunis, Lilia Blaise. Une spécificité qui a permis cependant, depuis la révolution, une visibilité médiatique et une liberté d’expression pour les sécuritaires.

Mais si la police a le droit d’avoir une activité syndicale, peut-elle contrôler les mœurs, ou les dires d’un humoriste ? Le débat fait rage en Tunisie où la relation entre sécuritaires et citoyens a toujours été tumultueuse. Beaucoup craignent le retour d’un État policier comme sous la dictature de Zine el Abidine Ben Ali.

Dans ce contexte, le ministère de l’Intérieur a dû recadrer les déclarations des syndicats et se désengager de certaines affirmations, notamment sur le boycott de la sécurité des spectacles portant atteinte aux mœurs, rappelant que le devoir du Ministère est de veiller à ce que les citoyens exercent leurs libertés publiques et individuelles dans le respect de la loi.

La présidence de la République a également publié un communiqué après une réunion avec le Ministre de l’Intérieur, rappelant le souhait de Kaïs Saïed, depuis 2012, de faire une loi pour mettre en place une structure syndicale policière unifiée. Mais dans un paysage syndical très dispersé, la chercheuse Khansa Ben Tarjem, spécialisée sur les services de sécurité, dénombre quatre syndicats policiers importants : la démarche présidentielle risque d’être compliquée

► À lire aussi : Tunisie: la blague d'un humoriste sur la police déclenche une polémique

Les difficultés d'exercer l'humour en Tunisie

Le journaliste et chroniqueur politique Haithem El Mekki anime une revue de presse satirique depuis 11 ans à la radio. Il reconnaît que l'humour est toujours un art difficile à exercer en Tunisie. Même si les Tunisiens en sont de plus en plus friands.

« On voit clairement que les contenus avec une couche d’humour sont très demandés. Il y a également une énorme frilosité chez les gens, une hypersensibilité à l’humour. Il suffit que vous montriez, dans un feuilleton télé, un enseignant corrompu, vous avez une révolte du syndicat des enseignants. Pareil pour les autres corps de métier : personne ne veut être critiqué, personne ne veut être moqué. Ne parlons même pas des régions, des clubs de foot, des partis politiques, etc. Tout le monde pense qu’il a le droit de s’exprimer sur les autres, mais personne n’a le droit de s’exprimer le concernant lui. »

« Honnêtement, ça a toujours été très délicat. Pendant un certain temps, il y avait des groupes terroristes très actifs, en Tunisie, il y a de cela des années. C’était encore beaucoup plus périlleux qu’aujourd’hui. Nous sommes encore en train d’apprendre. Nous sommes encore en train de nous découvrir. Il y a une levée de bouclier à chaque fois que quelqu’un essaie de pousser un peu plus loin les limites préétablies de la liberté d’expression et bien sûr, il y a un énorme rejet au début. »