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Les dissidences aux législatives, poison partagé pour la Nupes et la majorité

Ils seront plusieurs dizaines face aux candidats de la Nupes et à ceux de la majorité sortante. Les dissidents des blocs de gauche et du centre entendent bien faire entendre leur voix à l’occasion des élections législatives françaises. Et si leur nombre semble limité par rapport aux 577 circonscriptions en jeu, leur pouvoir de nuisance est toutefois pris très au sérieux dans les états-majors des partis politiques.

« Ce sont des candidatures pour faire perdre notre camp et pas pour gagner », déplore le patron du Parti socialiste Olivier Faure. Dans son viseur, les multiples dissidences issues des rangs du PS et qui hypothèquent les chances de victoire des candidats de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale dans les circonscriptions où ils se présentent.

Le choix des dirigeants du Parti socialiste de rejoindre l'alliance des gauches a en effet laissé des traces et une fronde s'est lancée dans plusieurs régions : Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Normandie et surtout Occitanie.

Rififi en Occitanie

La présidente de cette région du sud-ouest, Carole Delga, a bâti un front du refus en soutenant des dissidents dans bon nombre des 58 circonscriptions du territoire occitan. Ils seront notamment sept sur les neuf circonscriptions que compte l'Hérault et sa grande ville, Montpellier, dirigée par un autre réfractaire à la Nupes, Michaël Delafosse, et avec l'aide du Parti radical de gauche (PRG).

Si au niveau national, on préfère relativiser ces chiffres, la situation est très embarrassante pour la direction du PS. Car leurs partenaires de La France insoumise semblent bien décidés à ne plus se laisser faire. Deux candidatures socialistes pourtant obtenues de haute lutte lors des négociations de l'accord d'union viennent ainsi d'être débranchées pour cause de trop grande proximité avec Carole Delga.

Il s'agit de David Taupiac, dans la deuxième circonscription du Gers, où l'étiquette Nupes est désormais attribuée à l'Insoumise Françoise Dubos, et surtout le député sortant Joël Aviragnet, remplacé par l'écologiste Annabelle Fauvernier.

L'élu garde toutefois le soutien officiel du Parti socialiste et estime avoir joué le jeu : « J'ai mis le logo Nupes sur ma profession de foi et sur les bulletins de vote, je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de plus », regrette-t-il.

La situation est également très tendue autour de la présidente du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, pas convaincue non plus par l'accord signé par les dirigeants socialistes, et lâchée par ses partenaires locaux de la Nouvelle union populaire.

Rappels à l'ordre virulents de Ferrand, Bayrou et Philippe

Les tensions sont vives aussi dans les circonscriptions où des soutiens du président Emmanuel Macron, déçus de ne pas avoir été investis, sont entrés en dissidence aussi. Signe que ce sujet inquiète, la majorité présidentielle a décidé d'employer la manière forte. À chaque circonscription à problèmes, les dirigeants d'Ensemble !, la coalition de la majorité formée par Renaissance (La République en marche), le MoDem et Horizons (la formation d'Édouard Philippe), envoient des communiqués virulents en forme de rappels à l'ordre.

Depuis lundi, pas moins de 83 circonscriptions en ont été destinataires. À chaque fois, le texte – cosigné par les grands pontes de la majorité Richard Ferrand, François Bayrou, Édouard Philippe et Stanislas Guerini – est identique : la majorité y rappelle le nom du candidat officiellement soutenu par Ensemble !, puis elle accuse les candidats « se revendiquant comme appartenant à la majorité présidentielle » d'« usurpation ». Enfin, elle menace de lancer des « procédures à leur encontre, car cette confusion ne peut persister ». Cela signifie que si un dissident était élu, il ne pourrait pas siéger au sein de la majorité présidentielle. Cela signifie aussi que le dissident prend le risque d'être exclu du parti auquel il appartient.

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« Des menaces dignes de l'ancien monde »

De nombreux candidats visés par ces communiqués dénoncent une façon de faire brutale. Ils estiment qu'ils font les frais de l'accord électoral négocié de haute lutte entre les partis de la majorité présidentielle au mépris de la réalité du terrain. Ces menaces sont « dignes de l'ancien monde », fustige par exemple le dissident Ronan Loas, maire de Ploemeur et membre du parti Horizons d'Édouard Philippe, qui malgré l'investiture de Lysiane Métayer réaffirme son soutien à Emmanuel Macron. C'est un communiqué « indigne », renchérit Thierry Simelière, candidat dissident à Saint-Brieuc, ajoutant qu'« être dans la majorité présidentielle est une décision politique qui ne nécessite aucune autorisation ».

La République en marche a déjà mis sa menace à exécution, à Aix-en-Provence où, pour avoir voulu se présenter contre la candidate investie, Corinne Versini a été exclue du parti, qu'elle a qualifié en retour de « stalinien ». Autre exemple, dans la 6e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, ce sont deux marcheurs dissidents, Philippe Jouvet et Mathis Tenneson, qui ont été exclus du mouvement.

Là encore, pour éviter de « semer le doute chez les électeurs », la mise au point des ténors de la majorité concerne les onze circonscriptions des Français de l'étranger, où de nombreux candidats se présentent sous l'étiquette « divers ». L'investiture de l'ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls par Ensemble ! a notamment du mal à passer pour le député sortant Stéphane Vojetta. Malgré les remontrances des partis de la majorité, il continue de dénoncer le parachutage de Manuel Valls et affiche toujours son soutien au chef de l'État.

Relativisme et clarification

Malgré tout, La République en marche minimise l'importance des dissidences au regard des 556 investitures accordées par Ensemble ! Même son de cloche du côté de l'union de la gauche : « Même s'ils sont 70 ou 80, sur 577 candidats Nupes, ce n'est pas non plus catastrophique », relativise l'ancien patron d'Europe écologie-Les Verts David Cormand. « Quand nous avions signé l'accord législatif avec le PS en 2012, nous avions eu plus de trente dissidents socialistes sur les 66 circonscriptions qui nous étaient réservées. »

Au final, seules quinze à vingt candidatures dissidentes seraient vraiment considérées comme sérieuses, en particulier dans le Sud-Ouest. « Mais nous ne voulons pas mettre en scène nos dissensions », estime-t-on en haut lieu au sein de La France insoumise, « d'autant plus que les dissidents se font des illusions sur leur capacité à gagner juste sur leur nom ou sur celui de Carole Delga ».

Cela permet aussi au Parti socialiste de clarifier sa ligne, juge-t-on dans les rangs insoumis, où l'on ne goûte guère les attaques venues de l'ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve, qui multiplie les déplacements de soutien aux dissidents socialistes, après avoir annoncé son départ du PS.

Autre bénéfice entrevu : ne pas avoir de députés de blocage au sein de l'intergroupe Nupes à l'Assemblée nationale, voire de futurs transfuges vers la Macronie. Reste à déterminer l'impact de ces dissidences sur l'électorat de gauche. « C'est difficile à prévoir, reconnaît David Cormand, car les électeurs ont des positions contradictoires : ils veulent à la fois que leur spécificité de gauche soit reconnue tout en prônant l'union. Mais je pense que ce désir d'union va l'emporter et favoriser les candidats Nupes. »

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