Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Heurts au Stade de France: «Ces mouvements de foule auraient pu faire beaucoup de dégâts»

Mouvements de foule, gaz lacrymogènes, charges policières et des supporters de Liverpool qui n'ont pas pu accéder à l'enceinte avant la fin de la première mi-temps. Ce samedi soir, à l'occasion de la finale de la Ligue des champions, la fête a été gâchée et la France montrée du doigt, après les heurts qui ont éclaté aux abords du stade de France. Driss Aït Youssef est docteur en droit public et spécialiste des questions de sécurité. Il revient sur cette soirée.

RFI : La France a déjà avec succès organisé de très grands événements : l’Euro 2016, Coupe du monde de football, Coupe du monde de Rugby. Qu’est-ce qui a coincé ce samedi au stade de France ?

Driss Aït Youssef : Vous avez plusieurs facteurs, plusieurs événements qui ont bloqué le début de cette rencontre. D’abord, vous avez eu un mauvais fléchage manifestement à la sortie du RER. Les supporters de Liverpool ont mal été fléchés.

Vous avez ensuite un autre problème qu’il faut arriver à déterminer, c’est pourquoi les portiques du côté des supporters de Liverpool ont bloqué ? Est-ce que c’est parce que ce sont des individus munis d’un faux billet qui ont tenté de passer et qui ont été refoulés, et que ça a créé un goulot d’étranglement ? C’est-à-dire que vous faites passer votre billet, ça ne passe pas et vous repassez le billet et ça ne passe pas. En attendant, vous avez des milliers de supporters qui arrivent et cela génère un goulot d’étranglement.

Vous avez eu à un moment donné de l’énervement de la part des supporters de Liverpool qui, voyant le temps passer, voulaient impérativement accéder au stade. Et ensuite, on a eu quelques échauffourées, en tout cas des moments de tension entre les forces de l’ordre en charge du maintien de l’ordre et les supporters de Liverpool.

Pourquoi est-ce que les forces de l’ordre, à ce moment-là, décident de faire usage de leurs moyens de dispersion, de la force, de gaz lacrymogènes, de charges alors qu’en face, il y a juste des gens qui viennent voir un spectacle pour lequel, a priori, ils ont payé un billet ?

C’est une vraie question. La doctrine habituelle du maintien de l’ordre, c’est de tenir à distance les supporters. Vous aviez un certain nombre d’individus qui ont été tentés d’escalader le mur d’enceinte pour avoir accès au Stade de France. Je rappelle qu’on a déjà eu un attentat le 13 novembre 2015 au Stade de France. Donc, effectivement, il fallait impérativement protéger cette enceinte.

La technique qui a été déployée pour le maintien de l’ordre, c’est le jet de grenades lacrymogènes pour tenir à distance. C’est extrêmement compliqué. Je pense qu’on aurait pu faire autrement, notamment par le dialogue, parce que vous aviez beaucoup de familles, mais également des enfants. Ces mouvements de foule de milliers de supporters auraient pu faire beaucoup de dégâts.

Ça, c’est à un moment donné, pas une enquête administrative, mais il va falloir qu’à la fois l’UEFA qui organise cet évènement, parce que je rappelle qu’il devait avoir lieu à Saint-Pétersbourg, mais que compte-tenu de la situation en Ukraine, il a été rapatrié en France.

On a eu, je crois, plus de 70 000 supporters de Liverpool arrivés à Paris. Il faudra qu’à un moment donné, et l’UEFA et les organisateurs, en tout cas la préfecture de police, puissent se retrouver pour voir ce qui n’a pas marché, y compris avec le Stade de France. Est-ce que les portiques, à un moment donné, n’ont pas fonctionné parce qu’ils sont défaillants ? Est-ce que c’est à cause de ces faux billets ? Il n’en demeure pas moins qu’on a des individus qui étaient dotés d’un billet valide qui n’ont pas pu accéder au Stade de France, ou en tout cas pas avant la fin de la première mi-temps.

Ce qui est curieux également, c’est que ce chiffre de 70 000 spectateurs de Liverpool, ce n’était pas une surprise, il était anticipé. Les autorités l’anticipaient dès mardi, dès mercredi, on avait ce chiffre. Encore une fois pourquoi c’est vraiment au niveau du Stade de France que ça coince ?

Quand vous dîtes 70 000, à Paris, vous aviez effectivement cette fan zone à Vincennes qui pouvait contenir 30 000 personnes, et puis vous aviez aussi dans Paris des lieux, des bars, des restaurants qui diffusent cette finale. Après vous avez cette pratique et la France a déjà organisé des événements de cette ampleur. Normalement, n’accèdent au Stade de France que ceux qui ont des billets. Or, on avait samedi des supporters de Liverpool qui avaient soit de faux billets ou soit pas de billets du tout. On ne parle pas d’une dizaine ou d’une trentaine de supporters, on parle de milliers de supporters. Et ça, c’est quelque chose qui est relativement nouveau et qui est extrêmement compliqué à gérer. Parce que vous créez de facto un goulot d’étranglement, vous mettez une pression effectivement sur les agents de sécurité pour pouvoir accéder à cette enceinte sportive qui peut contenir 80 000 personnes. Et la difficulté, c’est aussi de protéger les supporters à l’intérieur.

Est-ce qu’on n’est pas sur la méthode du préfet Didier Lallement avec ce côté un peu musclé ? Est-ce que la façon dont se sont passés les événements samedi ne porte pas un peu sa patte ?

Non. On peut considérer que quelquefois, c’est un peu rigide. En fait, c’est une méthode qui est très générale et qui s’adresse à tout le monde, et qui ne fait pas la distinction entre le père de famille et ses deux enfants qui disposent de billets valides et ceux qui sont autour et qui sont des individus qui sont là pour tenter d’escalader les grillages pour accéder de manière illégale à l’enceinte. La grenade lacrymogène, elle est pour tout le monde et c’est ça qui est regrettable. Il faut un peu de dialogue et c’est, me semble-t-il, la réforme notamment du schéma national sur le maintien d’ordre qui doit permettre une meilleure communication à la fois avec les manifestants, ici on va dire les supporteurs, et les organisateurs de sorte à ce qu’on puisse envoyer des messages.

Je sais que le compte Twitter de la préfecture de police a beaucoup fonctionné. Il y a eu des messages qui ont été envoyés ici et là. Mais, manifestement pas suffisamment pour gérer cet événement avec sérénité. La difficulté, c’est que quand vous avez des goulots d’étranglement, vous avez un risque majeur au-delà de l’action des forces de l’ordre qui est plutôt aujourd’hui le maintien à distance, vous avez ces mouvements de foule avec beaucoup d’enfants, ce qui peut être extrêmement dangereux et difficile à gérer.