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Arrestation du jihadiste Aine Davis: «Il était principalement dans un rôle de prédication»

Nicolas Hénin, ancien journaliste français aujourd'hui consultant en contre-terrorisme, a été otage des « Beatles », cette cellule de l'organisation État islamique dont le dernier membre a été arrêté ce jeudi 11 août au Royaume-Uni.  Entretien.

Aine Davis a été arrêté à Londres et présenté à la justice britannique ce jeudi. Il est un membre présumé des « Beatles » du groupe État islamique, ces quatre geôliers surnommés ainsi à cause de leur accent. Ce groupe est soupçonné d'avoir enlevé au moins 27 Occidentaux, dont certains ont été exécutés. Nicolas Hénin a été leur otage durant 10 mois entre 2013 et 2014.

RFI : Vous avez eu affaire aux « Beatles » pendant votre détention en Syrie, entre 2013 et 2014 avec d’autres otages. Qui est Aine Leslie Davis ?

Nicolas Hénin : Sous réserve d’une identification plus formelle, cet individu correspond à celui de mes ravisseurs que nous dénommions « Jihadi Paul », de ce groupe des quatre jihadistes d’origine britannique que nous avions surnommé les « Beatles ». C’est celui avec lequel nous avons le moins interagi. Trois des « Beatles » étaient des acteurs majeurs de notre captivité. Ils étaient particulièrement violents. Ils étaient en charge des négociations, des exécutions aussi.

Le chef surnommé « Jihadi John » a été tué par une frappe de drone américain en 2015. Les deux autres ont été jugés au printemps aux États-Unis. C’est donc le dernier de ces « Beatles » et celui avec lequel nous avons le moins interagi. Nous l’avons assez peu vu, il n’a pas commis de violences à notre égard, il était principalement dans un rôle de prédication. Mais même en disant cela, le simple fait d’être responsable ou coresponsable d’une détention arbitraire telle qu’une prise d’otages, c’est déjà une violence insupportable.

Aine Leslie Davis devait être présenté ce jeudi à la justice britannique, après avoir purgé une peine de prison en Turquie. Quel est son parcours ?

Les trois autres « Beatles » sont restés en Syrie, que ce soit « Jihadi John » qui a été tué ou les deux autres qui ont été arrêtés aux derniers moments du califat territorial. Lui en revanche a eu un parcours particulier puisqu’il a été arrêté à Istanbul à la veille des attentats du 13-Novembre (2015 en France, NDLR) avec un dessein qui restera à expliquer. Est-ce qu’il préparait des attentats là-bas ou une infiltration en Europe à l’image d’autres membres ? Ce qui est clair et ce qui est apparu ces dernières années dans les différents dossiers d’instruction, c’est la grande proximité entre cette cellule britannique des « Beatles » et la cellule des opérations extérieures de l’EI, celle qui était responsable des attentats en Europe à partir de 2015.

► À lire aussi : Un des «Beatles» de l'État islamique plaide coupable devant la justice américaine

En dehors de ces « Beatles », reste-t-il des membres importants du groupe État islamique recherchés par la justice ?

Les membres importants du groupe État islamique sur lesquels la justice aimerait bien mettre la main sont pour la plupart détenus par les Kurdes en Syrie. C’est le cas d’un des protagonistes de notre captivité, à nous les 4 journalistes français retenus en otage entre 2013 et 2014 : c’est Guillaume Kapo, jihadiste français originaire du sud de la France. Il a été arrêté par les Kurdes et est détenu depuis la chute du califat, dans un de ces camps du nord de la Syrie. Le juge d’instruction en charge de l’instruction sur notre enlèvement a demandé à le voir, a demandé à ce qu’il soit rapatrié en France pour qu’il comparaisse à notre procès qui devrait se tenir dans un an sans doute. Mais pour le moment, l’exécutif a fait le choix de ne pas rapatrier les hommes français détenus dans ces camps kurdes.

On a beaucoup parlé récemment d’al-Qaïda avec la mort de son chef Ayman al-Zawahiri. Qu’en est-il du groupe État islamique ? Est-il laminé depuis la perte du califat territorial en 2019 ou toujours actif d’une autre manière ?

Daech a énormément perdu de la perte de son territoire. La création de ce califat était un argument presque de marketing, extrêmement puissant de la part de Baghdadi (Abou Bakr al-Baghdadi, ex-chef de l’EI tué en octobre 2019 dans une opération américaine en Syrie, NDLR). Et l’échec de ce projet a contribué à faire reculer l’attractivité de ce groupe, parmi les populations à la recherche d’une cause jihadiste. En revanche, sa capacité d’action demeure présente, principalement dans ses filiales.

La prochaine frontière du jihad, c'est clairement l’Afrique et notamment la zone sahélienne, où des groupes concurrents liés à al-Qaïda ou à l’EI sont très actifs. Et puis concernant la zone syro-irakienne, ce qui est un peu contre-intuitif, c’est qu’il reste une zone détenue par le califat : ce sont les camps de détenus aux mains des Kurdes. Les derniers lieux en zone syro-irakienne où Daech continue de faire la loi et d’imposer son idéologie et de rêver de revanche, c’est à l’intérieur de ces camps où sont détenus ses partisans. Si on veut y mettre fin, il faut trouver une solution pérenne avec ces personnes détenues dans ces camps, qui garantisse les droits et la sécurité de tous.

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