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Amazonie: Dom Phillips et Bruno Pereira ont disparu dans «une région sans foi, ni loi»

Au Brésil, les recherches se poursuivent pour retrouver le journaliste britannique, Dom Phillips, et le spécialiste des peuples autochtones Bruno Pereira. Les deux hommes ont disparu en Amazonie dimanche dernier. Ils avaient reçu des menaces de mort avant de s’enfoncer dans la jungle.

Dom Phillips faisait des recherches dans la vallée de Javari, une région isolée près de la frontière avec le Pérou. Il était accompagné de Bruno Pereira qui milite depuis longtemps pour la défense des indigènes. Entretien avec Fiona Watson, spécialiste de cette région amazonienne pour l’organisation Survival International. Elle avait travaillé dans le passé avec les deux hommes disparus.  

RFI : Pouvez-vous nous décrire cette région en Amazonie ?  

Fiona Watson : C’est une région très isolée. Le territoire indigène est le deuxième plus grand du Brésil, à peu près de la taille de l’Autriche. La forêt tropicale est très dense, il y a beaucoup de rivières qui passent à travers le territoire. Environ 6 000 à 7 000 autochtones vivent dans cette région. Dans le monde, on ne trouve aucun autre endroit où vivent autant de tribus isolées, c’est-à-dire qui ne sont jamais entrées en contact avec d’autres personnes.

►À lire aussi : Amazonie : disparition d'un journaliste britannique et d'un spécialiste des Amérindiens

Le fait que ce territoire soit frontalier au Pérou génère beaucoup d’invasions illégales, et donc de violences à l’encontre des peuples autochtones. Ces dernières années, les activités d’extraction d’or ont considérablement augmenté, y compris dans les zones où vivent les tribus isolées. Les autochtones tentent de résister aux invasions illégales de ceux qui chassent ou pêchent sur leur territoire.

Selon la constitution, l’État brésilien a l’obligation de les protéger, car il s’agit d’une réserve, mais le gouvernement actuel du président Jair Bolsonaro n’accomplit pas cette mission de protection.   

Les deux hommes ont reçu des menaces de morts….   

Oui, je pense que Bruno présentait effectivement un danger pour ceux qui tentent d’envahir illégalement cette vallée de Javari. Et Dom Phillips était une voix internationale, il a réalisé de nombreux reportages dans cette région, dénonçant les occupations illégales et les crimes commis en Amazonie. Donc lui aussi est une cible. Le climat politique est devenu très hostile envers ceux qui défendent les peuples autochtones.  

Le président Jair Bolsonaro, depuis son arrivée au pouvoir, a souvent pris position contre les communautés indigènes et tente d’affaiblir leurs droits. Cela a renforcé les gangs illégaux ?  

Avec cette politique, le président offre une sorte de blanc-seing à tous ceux qui souhaitent s’emparer de manière illégale des territoires indigènes et de leurs ressources naturelles. Ils pensent qu’ils ont les mains libres pour envahir ces zones, et même pour tuer. Ce sont des régions sans foi, ni loi, et je pense que c’est une situation voulue par le président.

Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une année électorale, la présidentielle aura lieu en octobre. Traditionnellement, il y a beaucoup de violences avant ces scrutins. Car pour se faire élire ou réélire, les candidats encouragent les actions illégales en Amazonie, c’est une position qui permet de gagner des votes.    

Le gouvernement a été critiqué pour avoir lancé des recherches trop tardivement. Partagez-vous ces critiques ?  

Oui, la réaction du gouvernement a été très lente. Les autorités auraient pu mobiliser rapidement les hélicoptères militaires stationnés dans la région, au lieu de commencer la recherche par bateau, ce qui n’est pas le moyen le plus rapide pour pénétrer dans la jungle. Les premiers à se lancer à la recherche de Dom Phillips et de Bruno Pereira ont été les membres d’une petite organisation indigène. Cette lenteur de réaction est vraiment impardonnable. C’est sous la pression nationale et internationale que les autorités ont finalement décidé d’agir.  

Comment évaluez-vous leurs chances d'être encore en vie ?  

Je pense que malheureusement le scénario le plus probable, c’est qu’ils ont été tués par des gangs parce qu’ils les dérangeaient, ou alors ils sont tombés dans une embuscade. S’ils avaient eu un accident, on aurait déjà retrouvé leur bateau ou au moins une partie de leur matériel. Bien sûr, je garde toujours l’espoir qu’on les retrouve vivants, mais plus le temps passe, plus je suis inquiète pour leur sécurité.  

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