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Réflexions de politologues (5/6): Les partis politiques ont-ils vraiment le premier rôle?

Réflexions de politologues (5/6)Les partis politiques ont-ils vraiment le premier rôle?

À l’approche du renouvellement du parlement, le 22 octobre, des spécialistes analysent les forces et les faiblesses du système politique suisse.

Rahel Freiburghaus, Pascal Sciarini, Adrian Vatter

Publié aujourd’hui à 06h33

En cette année électorale, les partis occupent le devant de la scène. Dans la rue, dans les médias et sur les réseaux sociaux, ils vantent leurs programmes et font de belles promesses, y compris dans des domaines où ils se sont jusqu'ici cassé les dents, comme en matière de coûts de la santé.

En tant que gardiens autoproclamés de la «formule magique», les partis gouvernementaux se laissent même aller à distribuer les sièges du Conseil fédéral, avant même de savoir par quel parlement il sera élu. La campagne en cours donne ainsi l'impression que les partis mènent le bal dans la politique suisse. Vrai ou faux?

Selon la formule accrocheuse du politologue Andreas Ladner, décédé prématurément cette année, «la Suisse n'est pas un État de partis». Dans le système suisse de milice, les partis ne bénéficient pas de financements publics et ils doivent de plus vivre avec la démocratie semi-directe et le fédéralisme.

«Le taux de 70% de citoyens sans affinité partisane est certes élevé, mais place la Suisse dans la moyenne européenne.»

Avec le temps, les liens entre les électeurs et les partis se sont distendus. Selon les estimations, moins d'un électeur sur dix est aujourd'hui membre d'un parti en Suisse. Dans les années 1970, la moitié des répondants aux enquêtes d'opinion déclaraient se sentir proches d'un parti. Cette proportion a chuté à un tiers dans les années 1990, mais elle s'est stabilisée depuis (31% en 2019). Ainsi, le taux de 70% de citoyens sans affinité partisane est certes élevé, mais place notre pays dans la moyenne européenne, à la hauteur de l'Allemagne et des Pays-Bas.

L'élévation du niveau d'éducation et l'émancipation des citoyens ont depuis longtemps fait éclater les appartenances traditionnelles à un «milieu». La transmission du vote d'une génération à l'autre au sein de la famille s'est largement perdue, et la volatilité des choix électoraux a sensiblement augmenté.

D'aucuns objecteront qu'offrir une «patrie politique» aux électeurs n'est qu'une des nombreuses missions des partis. Mais si l'on se penche sur la fonction de recrutement, la situation est encore pire: le système de milice est en perte de vitesse; dans de nombreuses communes, les groupements hors parti ont pris le pouvoir.

L'UDC, un acteur clé

À contre-courant de ces évolutions, le pouvoir de codécision des partis gouvernementaux sur la définition des politiques publiques nationales a augmenté au cours des dernières décennies. Jusqu'aux années 1970, ce sont surtout les associations économiques qui donnaient le ton. Elles profitaient alors de la domination de la fameuse phase préparlementaire. En raison notamment de la crise du partenariat social, le centre de gravité s'est depuis déplacé – en partie – vers la phase parlementaire, où les partis politiques sont à la manœuvre.

Dans les années 2000, les partis gouvernementaux ont conquis une place de choix dans le cercle restreint du pouvoir, aux côtés du Conseil fédéral et de son administration. Forte de ses succès électoraux, l'UDC, autrefois «partenaire junior», est à son tour devenue un acteur-clé dans les processus législatifs. Les grands perdants sont les partis non membres du Conseil fédéral qui, par ricochet, sont aussi exclus d'autres plates-formes de discussion comme les entretiens de Watteville.

Contrairement à ce que laisse parfois entendre la campagne électorale, il n'y a pas de toute puissance généralisée des partis dans la politique suisse. D'une part, les partis sont concurrencés par les groupes d'intérêt, le gouvernement et son administration, et parfois aussi par les cantons. D'autre part, la présence au gouvernement offre une position privilégiée aux uns, au détriment des autres.

Cette inégalité de traitement pèse lourd, car les petits partis jouent aussi un rôle démocratique important, en complétant le spectre des valeurs et des préférences représentées au parlement. De ce point de vue, accorder sa voix à un petit parti peut être une stratégie pour briser le «cartel de pouvoir» des partis gouvernementaux.

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